Il y a bien une entreprise de téléphonie qui se nomme Orange. Il y a aussi Coop, société coopérative de la grande distribution, la deuxième en Suisse avec 35% du marché. Les deux sont d'un orange éclatant.
Mais en Suisse, quand il est question de GÉANT ORANGE, ce n'est pas d'eux dont on parle. Non, c'est de Migros, société coopérative de la grande distribution, la première en Suisse. Ça doit quand même énerver Coop puisque Migros ne fait que 2% de plus !
Tout a commencé en 1925, encore sous le choc de la guerre, conjoncture instable, les gens craignent pour leur travail et leur salaire, même si la Suisse est mieux lotie que le reste de l’Europe. Les consommateurs comptent et recomptent leurs sous avant la moindre dépense. Il y a là un certain Gottlieb Duttweiler, 37 ans, tout juste rentré du Brésil et sans emploi. Un millionnaire qui a tout perdu ou presque et qui a achète une plantation de café au Brésil : un nouvel échec. Mais il a une autre idée : Mi-Gros, un compromis entre prix de gros et prix de détail. En baissant les prix, les gens afflueront. Pour être moins cher, il faut travailler de manière aussi rationnelle que possible – assortiment restreint, produits préemballés, transbordement rapide, d’où une marchandise fraîche – et, surtout, réduire au maximum les frais fixes. Et aller au-devant de la clientèle, rendre les magasins mobiles.
Le 25 août 1925 à 6 heures du matin, cinq camions-magasins se mettent en branle à Zurich. Il y a du riz, du sucre, des pâtes, de la graisse de coco, du café et du savon. Le tout à des prix ronds et des poids adaptés, ça va plus vite à la caisse. En moyenne, la marchandise est 30% moins chère que dans les épiceries de quartier ou de village.
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Gottlieb et Adele Duttweiler en 1955 dans un magasin Migros. |
Les hostilités sont lancées par des concurrents peu performants mais bien introduits dans les milieux politiques. Des communes barrent leurs emplacements aux camions Migros. Les grands groupes en viennent à boycotter les livraisons.
Sur le plan politique, une grande coalition se forme entre les conservateurs, les représentants des paysans, les petits commerçants et l’industrie des biens de consommation proche des radicaux et organisée en cartels acharnés.
Gottlieb Duttweiler doit batailler, en particulier pour approvisionner sa chaîne de distribution en plein essor et bientôt dotée de magasins stationnaires. Le boycott de l’industrie des articles de marque le contraint d’acquérir ses premières entreprises industrielles. Dès 1948, il est le premier à lancer des magasins en libre-service.
L'empire Migros est sur les rails. En 1941, la structure de la société a changé pour devenir la Fédération des coopératives Migros, subdivisée en coopératives régionales, un peu à l'image de l'organisation politique suisse. Progressivement, les
activités du groupe se diversifient : la compagnie de voyage Hotelplan (1935), le magazine Construire (1942, actuellement connu sous le nom de Migros Magazine), les centres de formation École-club Migros (1944), les restaurants (1952), les stations-service Migrol (1954), les écoles de langue Eurocentres (1956), la Banque Migros (1957) et la compagnie d'assurances (1959). Suivront plus tard le premier parc de loisirs, puis le premier centre commercial à l'étranger (à Thoiry dans l'Ain).
En 1957, le
Pour-cent culturel Migros
est inscrit dans les statuts, obligeant la société à consacrer chaque
année 0,5 % du volume des ventes au détail et 1 % du volume des ventes
en gros à des projets culturels et sociaux, ce qui représente 127
millions de francs suisses en 2007. Dès 1967,
Migros data (date de péremption) est passé dans le langage courant.
Dès 1996, la compagnie lance une gamme de produits premier prix appelée
M-Budget, puis, l'année suivante, un programme de fidélisation M-Cumulus.Et puis, le 30 novembre 2007 a eu lieu la dernière tournée du camion-magasin
de la Migros, dans le canton du Valais, la fin d'une ère.
De nos jours, la société est toujours une coopérative dont sont membres près de 2 millions de Suisses
, faisant ainsi de Migros une chaîne de supermarchés possédée de fait par ses consommateurs.
Si j'en parle aujourd'hui c'est que Migros est l'entreprise suisse qui bénéficie de
la meilleure réputation auprès du public, selon l'étude
GfK Business Reflector 2015.
Le chocolatier Lindt & Sprüngli, suivi du groupe horloger Swatch Group.
Outre la
réputation, l'étude intègre cette année également
l'expérience de marque. Celle-ci mesure l'image et la perception
générale que les consommateurs ont de chaque entreprise, sur la base de
leurs expériences récentes avec la marque. Ici aussi, Migros et
Lindt & Sprüngli trustent les deux premières positions. Coop
complète le podium au troisième rang.
C'est certainement cet aspect qui m'étonne le plus. Que Migros soit devenu une marque, alors que c'était une
non-marque ! Je me souviens que je n'osais pas trop offrir du chocolat de Migros parce que ça faisait bon marché, cadeau au rabais, même le produit était plutôt correct. Il y a 10 ans, j'étais invitée en Allemagne et j'ai apporté du chocolat de Migros, quel accueil ! J'ai réalisé qu'à Freiburg Migros était consiéré sinon comme luxe, en tous cas comme haute qualité. En Chine, ce chocolat était, avec Lindt & Sprüngli, la seule marque suisse sur les rayons des gourmandises, à côté des nombreux chocolats belges.