dimanche 15 février 2015

Cendrars au coeur des arts

Marie Vassilieff, "Poupée sculpture, portrait de Blaise Cendrars", [1923]
Dans un billet précédent, j'ai parlé de ce Cendrars qui avait envahi notre espace urbain... mais pas vraiment du petit gars qui était né dans ma ville sous le nom Frédéric Louis Sauser le 1er septembre 1887 et est mort à Paris le 21 janvier 1961.


Après avoir vu et revu l'exposition qui lui est consacrée au Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds, j'ai réalisé que Blaise était un type qui n'arrêtait jamais de se lancer des défis, un gars qui n'avait pas délimité son art, un artiste qui se lassait aussi vite, prêt à aborder une nouvelle découverte dès que l'actuelle était en voie d'acquisition... Il était aussi un affabulateur... Je ne sais pas qui était Cendrars, dans le fond !


En 1904, au vu de ses mauvais résultats scolaires, il est envoyé en apprentissage à Moscou et surtout à Saint-Pétersbourg, alors en pleine effervescence révolutionnaire. Jusqu'en 1907, il y travaille chez un horloger suisse. À la Bibliothèque impériale, dont il devient l'habitué, un bibliothécaire, R. R., l'encourage à écrire. Freddy commence à noter ses lectures, ses pensées. Il aurait alors écrit La Légende de Novgorode, de l'or gris et du silence. Pour lui faire une surprise, R. R. l'aurait traduit en russe et fait imprimer à 14 exemplaires en blanc sur papier noir. Du vivant de Cendrars, personne n'a jamais vu ce livre qu'il a pourtant fait figurer en tête de toutes ses bibliographies à partir de Séquences (1913). Beaucoup doutaient de son existence, lorsqu'un poète bulgare en découvre un exemplaire, en 1995, chez un bouquiniste de Sofia. Depuis lors, l'authenticité de cette plaquette fait l'objet de controverses, ce qui enrichit la mythologie du poète de nouveaux épisodes.

Alechinsky, Pierre
Alechinsky, Pierre
Cendrars, créateur de BD ?
Pierre Alechinsky, Le Volturno, une œuvre inspirée par les vers du Volturno,
un poème de 1912 que Cendrars a consigné dans un carnet où il a lui-même
fait quelques croquis, durant une traversée qui le ramenait d’Amérique en Europe
C'est à New York que naît vraiment Blaise Cendrars, où il a rejoint sa compagne Féla après plusieurs mois de misère et de vagabondages entre Bruxelles, Paris et Saint-Pétersbourg. L'isolement et le découragement de la nuit de Pâques 1912 lui inspirent un poème au ton nouveau,  Les Pâques : publié sous le nom de Blaise Cendrars à son retour à Paris la même année, il lui ouvre rapidement les portes des milieux d'avant-garde parisiens. Pour Cendrars, l'acte de création artistique a lieu lorsque le poète est tel une braise, qui se consume au cours de la création, puis s'éteint pour se transformer en cendres. C'est pourquoi il choisit son pseudonyme Blaise comme braise, et Cendrars comme cendre.
Chez le poète Apolinaire, il rencontre les peintres Robert et Sonia Delaunay.
De leur amitié et de leurs discussions enflammées naît
la Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France,
"premier livre simultané", où dialoguent sur deux mètres vers libres et rythmes colorés.

Sa jeunesse russe a-t-elle vraiment laissé à Cendrars le loisir de faire le mythique voyage du Transsibérien ? Sa fameuse réplique à Pierre Lazareff éludait la question tout en se voulant sans appel : "Qu'est-ce que ça peut te faire. puisque je vous l'ai fait prendre à tous ?"


Outre Apollinaire et les Delaunay, il se lie d'amitié avec des personnalités artistiques et littéraires :  Chagall, Léger, Survage, Modigliani, Csaky, Archipenko

Marie Vassilieff, Picasso et Cendrars qui dansent
Puisqu'il est difficile de démêler ce qui appartient à la légende de la réalité, je ne vais pas m'y aventurer. D'autant plus que ce n'est pas ce qui m'a passionnée dans ce voyage chez Cendrars. Non, j'ai réalisé que la vraie modernité se situait dans le croisement des genres. Avant, quand on faisait de la poésie, on ne faisait que ça, idem pour la peinture ou la musique... Cendrars, écrivain bourlingueur, auteur notamment de L'Or et de Moravagine était proche des arts et des artistes. Non seulement de ceux déjà mentionnés, mais aussi de l'art tribal africain, du ballet, de la peinture, de la musique, du graphisme et du cinéma, d'où le titre de l'exposition au cœur des arts. Cendrars, selon le pseudonyme qu'il s'est choisi, n'a cessé de renaître où on ne l'attendait pas…

Cendrars journaliste ? Peut-être...



Abel Gance, J'accuse, 1918-19, film sur lequel
Cendrars a découvert les rouages du cinéma
en faisant de la figuration
Autant de vies nouvelles et parfois inédites, subtiles correspondances entre peinture et prose du poète dialogues avec l'univers pictural ou l'écoute de la musique de Honegger, Milhaud, Satie ou Stravinski, confrontation avec les arts premiers, approche du septième art…
Une peinture de Chagall et un poème de Cendrars

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