mardi 21 octobre 2014

René Burri, l'homme au troisième oeil, n'est plus

" Les images sont comme des taxis aux heures de pointe, si l’on n’est pas assez rapide, c’est un autre qui les prend. " René Burri
René Burri est né le 9 avril 1933 à Zurich en Suisse. Attiré par les sommets des Alpes dès l'enfance, il sera happé par des sommets lointains d’une autre nature. Son exceptionnelle aventure avec la photographie débute dès 1946, alors que ses frères deviendront professeurs ou militaires. " A l’âge de 13 ans, mon père m'a donné un petit appareil photo Kodak et il m'a dit : Va à Zurich, un homme très important va passer et fais une photographie. J’ai pris une photo de Winston Churchill. "


Il n’a pas encore 16 ans lorsqu'il entre à l’Ecole des Arts appliqués de Zurich, où il choisit la section photographie. " Quand j’ai terminé mes études au cours desquelles nous ne photographions que des tasses à café baignées dans la lumière, j’ai dû apprendre à courir derrière mes propres images. " A 17 ans, il part à Marseille pour visiter le chantier de la Cité radieuse de Le Corbusier. Après 4 années d’études, en 1953, son diplôme en poche, il a la ferme intention de voir du pays, attiré qu’il est par le cinéma documentaire. Il obtient une bourse et apprend le maniement de la caméra, puis fait ses débuts comme cameraman chez Walt Disney. En 1954, il découvre l’usage du Leica et est engagé comme photographe dans l’atelier d'un graphiste.


Il obtient sa première publication avec un sujet sur les jeunes américains en Suisse. " Je suis arrivé dans l´univers professionnel de la photographie grâce au photoreportage d´une école pour sourds-muets à Zurich. A partir de ce moment j´ai fait partie des photographes associés de Magnum – la première coopérative photographique du monde –  et, en 1959, comme membre à part entière. " Il a 23 ans, il quitte Zurich pour Paris, obsédé par l’idée de photographier Pablo Picasso. Au Palazzo Reale à Milan lors de la rétrospective Picasso, il découvre l’œuvre du maître catalan : " Lorsque j'ai vu pour la première fois le Guernica de Pablo Picasso, je me suis dit ‘ Tu dois absolument faire la connaissance de cet homme ‘. J'ai essayé de le rencontrer pendant quatre ans, en vain. Puis un jour, alors que j'étais à Saint-Sébastien, j'ai appris que Picasso devait aller à Nîmes assister à une corrida. J'ai couru à mon hôtel, j'ai bouclé mes valises et je suis parti tout de suite pour Nîmes. On pourrait dire que c'était  idiot, que je n'avais pas plus de chances d'approcher Picasso à Nîmes qu'à Paris. Et pourtant, le hasard m'a permis de le faire. A Nîmes, je suis descendu dans le premier hôtel venu, et il s'est trouvé que c'était le même que lui. " Il signe un portrait mémorable à Cannes en 1957.


Il gagne sa vie comme photojournaliste avec son troisième œil, nom familier qu’il donne à son Leica. Il  commence aussi une recherche personnelle où il utilise le collage, l’écriture, la peinture et la photographie qui sera publiée en 1981. En 1955, il réalise un reportage de la chapelle Notre Dame du Haut à Ronchamp (Haute Saône) lors de son inauguration. Cet essai sur Le Corbusier et son œuvre architecturale rencontre un vif succès dans Paris-Match. Il devient alors correspondant auprès de Magnum Photos et voyage en Tchécoslovaquie, en Turquie, en Egypte, en Syrie, en Iraq, en Jordanie, au Liban, en Italie, en France, en Espagne et en Grèce.
Le Corbusier en 1959
Des portraits d’artistes, il en a fait de nombreux : Alberto Giacometti, Le Corbusier, Maria Callas,  Jean Tinguely, Kokoschka, Jean Renoir ou encore Luis Barragan, célèbre architecte Mexicain avec lequel il se lie d’amitié. De la crise de Suez en 1956 jusqu’au massacre de la place Tienanmen en 1989, il va sillonner la planète, pour Life, Du, The Sunday Times Magazine, Epoca, Paris-Match, Stern, New York Times, Jours de France ou pour le Bunte Illustrierte.

Kunming Lake, 1964
Il passe six mois en Argentine, rencontre Oscar Niemeyer, l’architecte visionnaire, lorsqu’il se rend  sur le chantier de construction de la capitale brésilienne de Brasília.

En 1960, à Sao Paulo, il capte une image appelée Men on a rooftop. 
L’image qui reste dans toute les mémoires est le portrait du Che : " La photo d'Ernesto Che Guevara est un pur hasard. Je la dois à la journaliste américaine Laura Bergquist, qui travaillait pour Look. Elle avait tellement insisté auprès du Che pour obtenir une interview qu'il avait fini par céder. Elle a dû trouver d'urgence un photographe le soir de la Saint-Sylvestre. En tant que ressortissant d'un pays neutre, je pouvais me rendre à Cuba... La photo du Che ne m'appartient plus, elle a conquis sa place dans notre mémoire collective. Que le grand public se la soit 'appropriée' est le plus beau des compliments ". 
Il a photographié Fidel Castro, s'est rendu en Chine pour Life et la BBC, a couvert la guerre des six jours, a filmé Jean Tinguely pour un documentaire, est reparti en guerre au Vietnam, au Cambodge, puis à Beyrouth. Il est élu président de Magnum France en 1982, puis de Magnum Europe en 1984.
Vendeurs de journaux sur Calle Florida, Buenos Aires, 1958
René Burri n’est plus. Hier, le célèbre photographe, l'infatigable voyageur, est décédé à Zurich. La photo humaniste vient de perdre un des plus grands représentants de la photo humaniste.


A lire
http://www.sept.info/
http://www.liberation.fr/photographie/2014/10/20/rene-burri-oeil-tout-terrain_1126021
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/10/20/mort-du-photographe-rene-burri_4509295_3382.html

A voir
http://www.rts.ch/video/info/journal-19h30/6237326-la-legende-de-la-photographie-rene-burri-est-mort-a-81-ans.html
http://www.magnumphotos.com/C.aspx?VP3=CMS3&VF=MAGO31_10_VForm&ERID=24KL5350UE

A écouter
http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/haute-definition/4529417-rene-burri-un-oeil-critique-sur-le-monde-30-12-2012.html
forum_20141020_standard_developpement-8_ba31f995-0ede-409a-9d44-26fbbf6f25f4-128k
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" Un de ces jours, je publierai un ouvrage de toutes les photos que je n'ai pas prises. Ce sera un énorme succès. "

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