jeudi 30 octobre 2014

Devenir suisse ? Pas si facile...

 
 
Combien de lacs y a-t-il dans le canton de Schwyz ? Lesquels sont totalement sur territoire schwyzois ? Quelle est l'entreprise qui emploie le plus de travailleurs à Einsiedeln ? Quels sont les jours fériés propres à la commune d'Einsiedeln ? Un échantillon de questions auxquelles un ressortissant américain a dû répondre en automne 2013 pour devenir suisse. Il a échoué devant les autorités : " Je savais bien que je n'avais pas tout juste. Pourtant j'avais fait des recherches sur Internet et avais appris des choses sur la région. " Trous de mémoire ? Grosse fatigue ?

Irving Dunn ne serait pas assez intégré, a estimé le district d’Einsiedeln. Le Californien qui a enseigné 30 ans à l’École polytechnique fédérale de Zurich aurait des lacunes concernant la vie communale. Le retraité habite depuis 39 ans en Suisse, dans le petit village campagnard de Gross de la commune d’Einsiedeln (SZ). Il a voulu adopter la nationalité suisse, se sentant "à la maison" dans ce bourg de 1300 habitants au bord du lac de Sihl.
 
Einsiedeln
C’était sans compter la méfiance de l’assemblée du district d’Einsiedeln puisque cette dernière a décidé de lui refuser la nationalité. L’homme de 79 ans ne serait pas assez intégré, estime-t-elle. Il fait pourtant partie d’un club de tennis, ainsi que d’un club de voile local. Lors de son entretien avec les autorités, il a démontré qu’il maîtrisait suffisamment l’allemand. Mais du point de vue de la commission de naturalisation, ses connaissances de la commune ne sont pas assez bonnes. Il n’a pas été capable de citer les six localités du district, ni de donner des noms d’amis à Einsiedeln. Par ailleurs, les thèmes politiques actuels, au sein de la commune, ne lui sont pas connus, a ajoute le conseil du district.


" Toute cette histoire est ridicule et injuste ", s'insurge Irving Dunn. " Je n'ai jamais contracté de dettes. J'ai trois enfants qui sont nés et ont grandi en Suisse et ma fille aînée est enseignante à l'école primaire. Si ce n'est pas de l'intégration, je ne comprends plus ce monde." En ce qui concerne ses relations avec des autochtones, le professeur retraité explique ne pas avoir compris la question: " Je pensais qu'il s'agissait d'amis proches. Bien sûr que j'ai des amis au tennis ou au club de voile." Enfin, les autorités soupçonneraient Irving Dunn de vouloir devenir Suisse uniquement pour se soustraire au fisc américain. Il va déposer un recours auprès du Tribunal administratif cantonal schwytzois.(www.20min.ch/ro/)

Pour toute l'histoire en allemand, c'est ici.
 
 Dans le canton de Vaud, selon l'humoriste François Silvant
 
" La naturalisation suisse s'acquiert par filiation, par adoption ou par naturalisation. La naturalisation est l'acte par lequel une personne de nationalité étrangère acquiert la nationalité suisse. C'est une étape importante pour s'intégrer pleinement à la vie du pays." C'est noté sur le site http://www.ne.ch/autorites/DJSC/JUST/naturalisation/Pages/accueil.aspx, celui de mon canton. Parce que, on s'en doute, chaque canton a sa petite particularité, son jeu de questions, son fonctionnement. Par ici, il faut :
  • être intégré(e) dans la communauté suisse, notamment par une intégration sociale et culturelle ainsi que par la volonté de participer à la vie économique ou la volonté d'acquérir une formation
  • être accoutumé(e) au mode de vie et usage suisses
  • avoir des connaissances suffisantes du français, minimum niveau A2 du Portfolio européen des langues (PEL)
  • se conformer à l'ordre juridique suisse
  • ne pas avoir de poursuites en cours et/ou actes de défauts de biens ouverts
  • être totalement à jour dans le paiement des contributions fiscales
  • ne pas avoir d'inscription au casier judiciaire et/ou d'enquête pénale en cours
  • respecter la constitution et les lois suisses
  • ne pas compromettre la sûreté intérieure et extérieure de la Suisse 

Il faut avoir résidé dans le canton de Neuchâtel pendant les 3 ans qui précèdent la demande. Pour les étrangers de la 2ème génération, un séjour dans le canton de 2 ans minimum suffit, dont une année dans les 2 ans précédant la demande. Sont des étrangers de la 2ème génération, les enfants nés en Suisse de parents étrangers ayant immigré, de même que les enfants entrés en Suisse dans la mesure où ils ont accompli dans notre pays la plus grande partie de leur scolarité obligatoire.
 
Cette vidéo fait référence au film Les Faiseurs de Suisses (Die Schweizermacher),
une comédie satirique réalisée par Rolf Lyssy (1978), un des plus grands succès du cinéma suisse. 

Le film retrace les péripéties d'étrangers qui décident d'obtenir la nationalité suisse
mais qui sont confrontés à la bureaucratie et aux barrières culturelles.

mercredi 29 octobre 2014

L'urbanisme horloger reconnu par l'UNESCO depuis 5 ans




La Chaux-de-Fonds / Le Locle, urbanisme horloger est un site entré au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2009. Il constitue un exemple de villes ordonnées par une activité mono-industrielle. Au XIXe siècle, les deux villes ont développé l'industrialisation de l'horlogerie et adapté leur urbanisme à cet effet. L'ensemble urbain du XIXe siècle de La Chaux-de-Fonds se caractérise par son plan en damier, ses logements-ateliers d'horlogerie et quartiers ouvriers. Le Locle possède également des bâtiments de valeur ainsi qu'un quartier ouvrier.
Une vue d'avion de cette vallée dans laquelle l'horlogerie
s'est développée.
Résumé de l'UNESCO : Dans les montagnes du Jura suisse, sur des terrains peu propices à l’agriculture, les villes voisines de La Chaux-de-Fonds et Le Locle illustrent un développement urbain original qui reflète les besoins d’organisation rationnelle de la production horlogère. Planifiées au début du XIXème siècle, après trois grands incendies, les villes sont entièrement destinées à cette production. Leurs tracés selon un schéma ouvert et en bandes parallèles, imbriquant l’habitat et les ateliers, correspondent aux besoins de la culture professionnelle horlogère qui remonte au XVIIème siècle mais se maintient encore aujourd’hui. Le site constitue un remarquable exemple de villes ordonnées par une activité mono-industrielle, bien conservées et toujours en activité. La planification urbaine des deux villes s’est adaptée au passage d’une production artisanale avec travail à domicile à une production manufacturière plus intégrée, avec les usines de la fin du XIXème et du XXème siècle. Quand il analyse la division du travail dans Le Capital, Karl Marx prend comme exemple l’industrie horlogère du Jura suisse et invente à propos de La Chaux-de-Fonds le terme de « ville-manufacture ». Rien qu'avec l'introduction, il y a déjà de quoi bomber le torse.


Je vais raccourcir la suite, par crainte de lasser : Les deux " villes-manufactures " ont été construites par et pour l’horlogerie. Elles sont le produit d’une symbiose intime entre les besoins sociotechniques et les réponses apportées par les choix de l’urbanisme. L’horlogerie a façonné une typologie architecturale remarquable du bâti. Les immeubles d’habitation conçus pour le travail à domicile voisinent avec les maisons patronales, les ateliers et les usines plus récentes, au sein d’un tissu urbain homogène, rationnel et ouvert sur l’extérieur. Les deux villes témoignent de la poursuite ininterrompue exceptionnelle d’une tradition horlogère vivante et mondialement réputée, ayant su faire face aux crises sociotechniques et économiques du monde contemporain.[...] L’intégrité de la vocation horlogère des deux villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle est complète, depuis plus de deux siècles, et elle est encore en activité. L’étude typologique et environnementale des constructions d’après 1930 fait ressortir quelques ruptures importantes (immeubles hauts) mais surtout des continuités fonctionnelles et architecturales (usines des années 1960, cités ouvrières) avec le bâti antérieur. 

 
















On repart pour un tour : L'occupation humaine du haut plateau jurassien est relativement tardive. Le nom du Locle, petit village montagnard, n'apparaît qu'au Moyen Âge tardif, celui du hameau de La Chaux-de-Fonds plus tard encore. Ce sont toutefois deux communautés rurales autonomes au milieu du XVIIe siècle. La naissance de l'horlogerie, au Locle, est attribuée à la figure semi-légendaire de Daniel Jean-Richard, à la fin du XVIIe siècle puis, à sa suite, à d'autres entrepreneurs remarquables du XVIIIe siècle. L'activité technique horlogère est alors divisée entre des ouvriers ruraux de plus en plus nombreux, spécialisés dans la fabrication d'une pièce. [...] Au XVIIIe siècle, la ferme du haut Jura est adaptée à une telle activité qui nécessite une pièce, de la lumière et du temps laissé par les longs mois d'hiver. 

Et voici la fin de l'histoire en version très abrégée : Révolution industrielle, création d'un chemin de fer, plans des villes étendus, renforcés de travaux d'adduction d'eau et d'assainissement, pressions du marché, augmentation de la production, besoin croissant de qualité à moindre coût, choc de la concurrence américaine basée sur un autre modèle productif, on s'adapte. Cela se traduit par la création d'usines intégrées ou d'ateliers plus grands en annexe de l'habitat. Non seulement l'industrie horlogère suisse maintient ses positions antérieures, mais elle les renforce, dominant à nouveau le marché mondial de la montre. Arrivent les années de crise de 1930, l'industrie horlogère suisse fait front grâce à un système de cartellisation sous contrôle public. Décroissance démographique, puis remontée importante pendant les " trente glorieuses ". Dans les années 1970, arrivée brutale du quartz et de l'électronique, venus de l'étranger, nouvelle reconversion du système de production qui réinstalle l'horlogerie suisse en référence incontestable du marché.
Pour tous les détails, c'est ici.























J'ai écrit fin de l'histoire, mais cela n'a pas l'air d'être la fin du tout car les usines, plus spectaculaires les unes que les autres poussent comme des champignons.










Mais revenons un instant sur cette inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO. Comme nous étions impatients en 2009, réunis en ville dans l'attente du verdict, comme nous avons été fiers d'avoir été considérés et reconnus.


http://www.swissinfo.ch/fre/deux-perles-de-l-urbanisme-horloger/201320

Cinq ans plus tard, qu'en reste-t-il ? Notre vie n'en a certes pas été changée, mais quand nous allons ailleurs, nous marchons la tête haute. Nous avons pris conscience de nos richesses, de notre authenticité, de nos valeurs, du passé, présent et futur. Nous avons compris d'où nous venons et que cela a une valeur exceptionnelle et universelle, d'autant plus que cette histoire évolue encore et conditionne toujours notre mode de vie et nos paysages. La reconnaissance, ce n'est pas rien, ça change tout !

Les charmes du Locle


















Alors que je ne voulais que parler de cet anniversaire,  je tombe sur un site annonçant la 6e Journée du patrimoine horloger (biennale)qui aura lieu le samedi 8 novembre 2014 !


" Découvrez le monde passionnant de l'horlogerie au cœur de sa production. Une chance exceptionnelle de visiter des ateliers et des manufactures où se conçoivent et se fabriquent les montres Swiss made. Mais aussi une occasion de parcourir musées et autres lieux des villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle, toutes deux inscrites sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO pour leur urbanisme horloger."

Ca vaut le coup d'y faire un saut. On y va ? On y va !

lundi 27 octobre 2014

Marianne à Monthey


Quand j'ai vu que Marianne Faithfull passait par Monthey (Valais, 17 000 âmes, ville surtout connue pour son carnaval), je n'ai pas pu résister. Comme si je m'étais spécialisée dans les concerts d'artistes de 67 ans depuis mon retour (Patti Smith en août à Avenches, Ian Anderson en septembre au Noirmont)... Voici le texte qui m'a fait m'agiter : " Figure majeure de la scène artistique britannique, Marianne Faithfull a entamé son parcours dans les années 60. Sa carrière est lancée par Mick Jagger, qui compose pour elle plusieurs tubes, dont le célébrissime As tears go by. On retrouve également Marianne Faithfull au cinéma, avec Jean-Luc Godard, et au théâtre, avec Anthony Hopkins notamment. Sa voix sombre et rauque deviendra sa marque de fabrique, reconnaissable entre mille. "


Bien sûr qu'il ne fallait pas rater ça, la dernière fois que je l'avais vue c'était en 1982 à Londres, au temps de Broken English, un concert mémorable d'une survivante dont la voix avait passé d'aigrelette et sans expression à grave et dramatique. 


Marianne était plutôt bien née, fille d'un officier britannique et d'une aristocrate autrichienne, petite-nièce de l'écrivain Leopold von Sacher-Masoch, élevée à Londres jusqu'au divorce de ses parents, puis dans un couvent. Elle devient une figure des swinging sixties de Londres, petite amie de Mick Jagger, alors qu'elle vient de se marier et de donner naissance à un fils. Elle a sombré au début des années 70, s'est relevée, a replongé, jusqu'à la sortie de Broken English quand je l'ai vue bien fragile. 


Depuis, elle a encore rechuté, s'est encore relevée et maintenant elle fête 50 ans de carrière, chanson bien sûr, mais cinéma et théâtre. Petit détail, elle vapote sur scène en annonçant fièrement qu'elle a arrêté de fumer il y a 11 mois !

Depuis, elle a collaboré avec des grands, Nick Cave, PJ Harvey, Blur, Daniell Lanois, Roger Waters... les résultats sont envoûtants.

Pour son cinquantième anniversaire, elle  nous offre une tournée, principalement dans des théâtres et des casinos, afin de donner une saveur différente à son demi-siècle musical, et un nouvel album Give My Love To London.


Et ce concert, c'était comment ? Je dois calmer mon enthousiasme. Il faut dire que Marianne Faithfull s'était cassé une hanche et qu'elle a souvent chanté assise dans un beau fauteuil en sirotant une tasse de thé et en vapotant. Les chansons étaient bien choisies, un mélange d'anciennes et de nouvelles, des chansons d'amour, des chansons de sa période junkie. Les musiciens qui l'accompagnaient étaient efficaces, précis, des accompagnateurs de luxe, tellement respectueux de la star. Et puis, nous, le public, sagement assis dans ce joli théâtre, raide et distant. Bien sûr il y a eu quelques personnes audacieuses qui ont essayé de taper dans leurs mains, mais pas longtemps... Et enfin, pourquoi pas  chanter dans des théâtres, mais dans celui de Monthey, la musique a pris un ton froid et métallique. Alors forcément j'étais déçue, même si j'ai vu un mythe.


http://www.bloglagruyere.ch/2014/10/02/marianne-faithfull-nen-finit-pas-de-ressusciter/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marianne_Faithfull
http://www.mariannefaithfull.org.uk/

mercredi 22 octobre 2014

Quel temps fait-il ?


Je me suis réveillée ce matin avec la conviction que je devais faire un billet sur le temps. C'est vrai, ça, j'écrivais périodiquement sur le temps lorsque j'étais à Shanghai. Non seulement je me réjouissais de parler de la pluie et du beau temps, mais en plus au fil des ans ça m'était utile, parce que je ne me souviens jamais de ces choses telles que quand l'automne est arrivé ou s'il a plu pendant tout le mois de novembre. Par ma capacité d'animer une conversation de plusieurs heures sur le sujet, je suis suisse marquée par un séjour de 5 ans en Angleterre, par l'intérêt que le sujet suscite, je suis devenue chinoise, je fais avec (la pluie, le soleil, la neige, les typhons...) et j'agis en conséquence (habillement, occupation).

Pourquoi ai-je eu cette "révélation" ce matin dès que mes lunettes ont été posées sur mon nez ? Parce qu'il neigeait. Première neige, tonne de souvenirs, de boules, de glissades, de doigts gelés, de pas feutrés, de lumières féériques, de thé à la cannelle, de biscômes (un biscuit ressemblant au pain d'épices). Un temps où l'on veut bien sortir, mais où l'on rentre encore plus volontiers dans sa coquille.

Attention, n'en déduisons pas immédiatement que l'hiver est arrivé. Non, la première neige fait partie de l'automne. L'hiver arrive quand le ciel tonne, si je me souviens bien, c'est pour plus tard quand tout le monde a mis ses pneus neige.. Maintenant, nous vivons l'alternance, le week-end passé j'ai attrapé un coup de soleil sur les épaules ... en préparant le jardin pour l'hiver.

Moi, j'aimais bien que les dates ne dictent pas les saisons, que le 23 septembre ne doive pas obligatoirement représenter le premier jour de l'automne. Une saison c'est plus une question de temps que de planètes pour le commun des mortesl. J'aimais bien que les Chinois décident qu'une saison s'installe sur les tabelles quand elle s'était installée pour de vrai; cette année l'automne est arrivé à Shanghai le 4 octobre, après 5 jours consécutifs où la température n'a pas dépassé 22°C. Pour rire, je dirais que cette année ici à La Chaux-de-Fonds nous n'avons pas encore eu l'été. Mais peut-on rire de tout ?

mardi 21 octobre 2014

René Burri, l'homme au troisième oeil, n'est plus

" Les images sont comme des taxis aux heures de pointe, si l’on n’est pas assez rapide, c’est un autre qui les prend. " René Burri
René Burri est né le 9 avril 1933 à Zurich en Suisse. Attiré par les sommets des Alpes dès l'enfance, il sera happé par des sommets lointains d’une autre nature. Son exceptionnelle aventure avec la photographie débute dès 1946, alors que ses frères deviendront professeurs ou militaires. " A l’âge de 13 ans, mon père m'a donné un petit appareil photo Kodak et il m'a dit : Va à Zurich, un homme très important va passer et fais une photographie. J’ai pris une photo de Winston Churchill. "


Il n’a pas encore 16 ans lorsqu'il entre à l’Ecole des Arts appliqués de Zurich, où il choisit la section photographie. " Quand j’ai terminé mes études au cours desquelles nous ne photographions que des tasses à café baignées dans la lumière, j’ai dû apprendre à courir derrière mes propres images. " A 17 ans, il part à Marseille pour visiter le chantier de la Cité radieuse de Le Corbusier. Après 4 années d’études, en 1953, son diplôme en poche, il a la ferme intention de voir du pays, attiré qu’il est par le cinéma documentaire. Il obtient une bourse et apprend le maniement de la caméra, puis fait ses débuts comme cameraman chez Walt Disney. En 1954, il découvre l’usage du Leica et est engagé comme photographe dans l’atelier d'un graphiste.


Il obtient sa première publication avec un sujet sur les jeunes américains en Suisse. " Je suis arrivé dans l´univers professionnel de la photographie grâce au photoreportage d´une école pour sourds-muets à Zurich. A partir de ce moment j´ai fait partie des photographes associés de Magnum – la première coopérative photographique du monde –  et, en 1959, comme membre à part entière. " Il a 23 ans, il quitte Zurich pour Paris, obsédé par l’idée de photographier Pablo Picasso. Au Palazzo Reale à Milan lors de la rétrospective Picasso, il découvre l’œuvre du maître catalan : " Lorsque j'ai vu pour la première fois le Guernica de Pablo Picasso, je me suis dit ‘ Tu dois absolument faire la connaissance de cet homme ‘. J'ai essayé de le rencontrer pendant quatre ans, en vain. Puis un jour, alors que j'étais à Saint-Sébastien, j'ai appris que Picasso devait aller à Nîmes assister à une corrida. J'ai couru à mon hôtel, j'ai bouclé mes valises et je suis parti tout de suite pour Nîmes. On pourrait dire que c'était  idiot, que je n'avais pas plus de chances d'approcher Picasso à Nîmes qu'à Paris. Et pourtant, le hasard m'a permis de le faire. A Nîmes, je suis descendu dans le premier hôtel venu, et il s'est trouvé que c'était le même que lui. " Il signe un portrait mémorable à Cannes en 1957.


Il gagne sa vie comme photojournaliste avec son troisième œil, nom familier qu’il donne à son Leica. Il  commence aussi une recherche personnelle où il utilise le collage, l’écriture, la peinture et la photographie qui sera publiée en 1981. En 1955, il réalise un reportage de la chapelle Notre Dame du Haut à Ronchamp (Haute Saône) lors de son inauguration. Cet essai sur Le Corbusier et son œuvre architecturale rencontre un vif succès dans Paris-Match. Il devient alors correspondant auprès de Magnum Photos et voyage en Tchécoslovaquie, en Turquie, en Egypte, en Syrie, en Iraq, en Jordanie, au Liban, en Italie, en France, en Espagne et en Grèce.
Le Corbusier en 1959
Des portraits d’artistes, il en a fait de nombreux : Alberto Giacometti, Le Corbusier, Maria Callas,  Jean Tinguely, Kokoschka, Jean Renoir ou encore Luis Barragan, célèbre architecte Mexicain avec lequel il se lie d’amitié. De la crise de Suez en 1956 jusqu’au massacre de la place Tienanmen en 1989, il va sillonner la planète, pour Life, Du, The Sunday Times Magazine, Epoca, Paris-Match, Stern, New York Times, Jours de France ou pour le Bunte Illustrierte.

Kunming Lake, 1964
Il passe six mois en Argentine, rencontre Oscar Niemeyer, l’architecte visionnaire, lorsqu’il se rend  sur le chantier de construction de la capitale brésilienne de Brasília.

En 1960, à Sao Paulo, il capte une image appelée Men on a rooftop. 
L’image qui reste dans toute les mémoires est le portrait du Che : " La photo d'Ernesto Che Guevara est un pur hasard. Je la dois à la journaliste américaine Laura Bergquist, qui travaillait pour Look. Elle avait tellement insisté auprès du Che pour obtenir une interview qu'il avait fini par céder. Elle a dû trouver d'urgence un photographe le soir de la Saint-Sylvestre. En tant que ressortissant d'un pays neutre, je pouvais me rendre à Cuba... La photo du Che ne m'appartient plus, elle a conquis sa place dans notre mémoire collective. Que le grand public se la soit 'appropriée' est le plus beau des compliments ". 
Il a photographié Fidel Castro, s'est rendu en Chine pour Life et la BBC, a couvert la guerre des six jours, a filmé Jean Tinguely pour un documentaire, est reparti en guerre au Vietnam, au Cambodge, puis à Beyrouth. Il est élu président de Magnum France en 1982, puis de Magnum Europe en 1984.
Vendeurs de journaux sur Calle Florida, Buenos Aires, 1958
René Burri n’est plus. Hier, le célèbre photographe, l'infatigable voyageur, est décédé à Zurich. La photo humaniste vient de perdre un des plus grands représentants de la photo humaniste.


A lire
http://www.sept.info/
http://www.liberation.fr/photographie/2014/10/20/rene-burri-oeil-tout-terrain_1126021
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/10/20/mort-du-photographe-rene-burri_4509295_3382.html

A voir
http://www.rts.ch/video/info/journal-19h30/6237326-la-legende-de-la-photographie-rene-burri-est-mort-a-81-ans.html
http://www.magnumphotos.com/C.aspx?VP3=CMS3&VF=MAGO31_10_VForm&ERID=24KL5350UE

A écouter
http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/haute-definition/4529417-rene-burri-un-oeil-critique-sur-le-monde-30-12-2012.html
forum_20141020_standard_developpement-8_ba31f995-0ede-409a-9d44-26fbbf6f25f4-128k
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" Un de ces jours, je publierai un ouvrage de toutes les photos que je n'ai pas prises. Ce sera un énorme succès. "

samedi 18 octobre 2014

Alpenbitter

A Shanghai, je trouvais fascinant tous ces jobs qui ne servaient à rien, ces gens qui étaient debout des journées entières à ne rien faire, sinon ouvrir la porte d'un magasin ou montrer où se trouvait la réception d'un hôtel (alors qu'on la voyait dès le tourniquet d'entrée franchi), ou nous regarder lorsque nous faisions une queue interminable dans une banque. Je me disais alors qu'il fallait bien occuper des tas de millions de gens. Je déchiffrais aussi les situations avec ma propre clé culturelle.


Maintenant, c'est avec la même clé que je déchiffre mon propre pays qui ne cesse de m'étonner. Quand j'ai mentionné dans Le miracle suisse toute l'admiration d'un journaliste français pour notamment notre taux de chômage, je me suis demandé ce que nous avions que les autres n'avaient pas compris. 
En Appenzell, on ne raconte pas n'importe quoi...
... la maison de l’étiquette existe de vrai !


Il n'a fallu que quelques jours pour que je découvre un élément de réponse. Dans un article à priori anodin :
" L'Alpenbitter victime des bureaucrates. Un inspecteur régional de la Régie fédérale des alcools a remarqué que les sacs de la société Appenzeller-Alpenbitter AG n'étaient pas réglementaires. La publicité pour l'alcool n'est autorisée que sur un sac à usage unique. Or celui de l'Alpenbitter est trop solide et peut réutilisé pour faire des courses. Du coup, selon Blick la société devrait détruire 10 000 sacs d'ici à la fin de l’année. Mais le fabricant a peut-être trouvé une parade en imprimant sur les sacs une photo des branches de chocolat fourrées à l'Alpenbitter, ce qui ne relève pas de la loi sur les spiritueux, mais de la loi sur les denrées alimentaires... Rusés, ces Appenzellois. "  (Le Matin, 15.10.2014)
Alors il faut les croire quand
ils disent que tout le monde en boit.
Vous aussi ! (mais pas moi)
Bureaucrate, c'est un bon job, on a toujours un petit truc à faire quand on est bureaucrate, et il en faut beaucoup pour toutes ces régies. Il a aussi fallu des juristes pour contourner la loi, des chimistes pour mesurer l'épaisseur des sacs, des journalistes pour raconter l'histoire en 3 langues et, espérons-le, un imprimeur pour changer les photos sur les sacs. Facile, non ? Bon, ça enlève du boulot aux publicitaires puisque les journaux en ont parlé...
Appenzell est un ancien canton suisse séparé en 1597 en deux demi-cantons
Appenzell Rhodes-Extérieures (52 654 habitants, chef-lieu Herisau, protestant)
Appenzell Rhodes-Intérieures (15 778 habitants, chef-lieu Appenzell, catholique)

mardi 14 octobre 2014

La guerre des genoux n'aura pas lieu chez Swiss

Qu'est-ce qui mesure entre 43,18 cm et 50,8 cm de large et qui laisse 40-50 cm au maximum avec ses voisins de devant ou de derrière, au minimum 20-30 cm ? Si on a deviné, j'imagine bien la grimace, surtout de ceux qui ont de longues jambes. Voilà c'est dit, l'avion classe éco est bien l'un des seuls endroits où je ne jalouse absolument pas les heureux possesseurs de longues jambes. Déjà qu'avec mes 162 cm (dont une proportion tout à fait appropriée réservée aux jambes), je me tortille beaucoup sur mon siège, préférant de loin les places "couloir" ou celles qui sont en début de bloc, à défaut de pouvoir voyager business ou première classe. Pour savoir où se trouve son siège c'est ici.

En 1920, on trouvait des sièges en osier
La faute à qui ? A moi, à nous, à vous...  Les prix baissent régulièrement, on voyage pour un oui et pour un non, les compagnies doivent transporter de plus en plus de passagers, le ciel est illimité - je crois - mais pas pour les avions. Alors on nous entasse dans des très gros porteurs, c'est plus économique et écologique, dit-on. La faute aux business et premières classes aussi, le luxe ça prend de la place.

En 1970, en première classe
Les compagnies customisent les avions selon leurs besoins. Je lis que les designers jouent à Tetris. En parcourant toutes leurs contraintes, c'est Tetris-Sudoku. La taille des sièges étant normée, restent la couleur des sièges forcément, mais aussi leur nombre et leur emplacement. Attention toutefois à ne pas dépasser la charger totale autorisée, sinon l'avion ne pourra pas décoller. Il faut être créatif, tel ce designer qui imagine "un transporteur du futur fabriqué en nanotubes de carbone, un matériau de synthèse à la fois léger et résistant qui permet toutes les fantaisies... comme des sièges qui s'adapteraient automatiquement à la morphologie de celui qui s'assied dedans".

De nos jours, le confort d'un siège en business class
Pour l'instant on fait tout de même gaffe, même chez les low cost, surtout sur les longs courriers, pour des raisons médicales. Entasser d'accord, mais juste ce qu'il faut. Des thromboses dans les avions, c'est mauvais pour l'image d'une compagnie, ça se sait vite.

C'est un peu plus serré en éco
Donc il faut ruser pour gagner quelques centimètres pour ses jambes. Un frequent flyer un peu plus grand que la moyenne (192 cm) a inventé deux petits clips qui, fixés à la tablette escamotable du siège avant, empêchent ce dernier de s'incliner. Une vingtaine de dollars, à acheter discrètement sur Internet, à installer discrètement dès le départ de l'avion. Les ventes de Knee Defender, pourtant interdit chez de nombreuses compagnies, ont été multipliées par 700 en un mois.
L'explication du fonctionnement du knee defender
à remettre à son voisin de devant
L'objet...
... et où il se place








Swiss, la compagnie aérienne nationale suisse (mais plus allemande que suisse puisqu'elle est filiale de Lufthansa) a bien compris tous les enjeux liés à la modernisation de sa flotte. A partir de fin novembre, ses avions A320 compteront 12 sièges de plus en classe économique. Et, dans les Airbus 321, ce seront carrément 19 places qui seront ajoutées. Concrètement, l’extérieur de l’avion ne change pas d’un iota, mais plus de passagers pourront y prendre place. "Le living space  reste le même, voire augmente légèrement ", affirme le responsable des relations publiques de la compagnie. Un tour de passe-passe réussi en changeant ses sièges. " Nous introduisons une nouvelle géométrie du siège, plus fin, mais plus confortable ", explique le porte-parole. Et plus fort encore : même si l’espace entre les rangées est réduit, le passager ne remarquera rien. En plaçant la pochette contenant les instructions et magazines d’entreprises au-dessus de la tablette, Swiss jure même que les passagers gagnent en confort par rapport à l’ancienne disposition. Sur la première moitié de la classe économique, les passagers disposent de 81,3 cm, à l’arrière de l’avion, l’espace est passé de 76,2 à 73,7 cm. Je me demande s'il y aura deux types de billets éco, XS et S...

Sièges légers en titanium qui ne s'inclinent pas.

lundi 13 octobre 2014

Le miracle suisse


" Un excédent commercial de 20 milliards d'euros, 3,5 % de chômage... Il y a bien un miracle suisse, qui séduit de plus en plus d'Européens. " (Ian Hamel, Le Point.fr, 12/02/2014). Le même article mentionne en vrac des entreprises "suisses" florissantes : Nestlé, Novartis, Roche, Glencore, Logitech, Richemont, Swatch, Rolex...


" La Suisse est un pays riche. Par habitant, son produit intérieur brut de 50’000 dollars le place au troisième rang du classement mondial (aux prix de 2012). Tandis que la fortune moyenne se situe à 375’000 dollars, le hissant à la tête de tous les pays; elle est environ cent fois plus élevée qu’en Inde. Neuf et demi pour cent de la population possède une fortune supérieure à un million de dollars et seuls Singapour, le Koweït et le Qatar dépassent un tel montant. " Ça, c'est Avenir suisse que le dit. 

Quelle que soit le type de statistique, la Suisse va bien
Quand je tape GDP, je tombe sur une liste de sites impressionnante; j'ai beau passé d'un site à l'autre, je parviens à la même conclusion : TVB, tout va bien. Je vis dans une pays de cocagne.

On me dit que la richesse, en plus, est répartie de manière plus égale que dans d’autres pays, qu'ici, on sait être discrets, les villas de nord-américaines sont bien plus grandes que celles de la Suisse, le style des couches sociales supérieures de la France ou de l’Espagne plus féodal, le luxe des oligarques russes plus ostentatoire, l’apparence des cheiks pétroliers plus tape-à-l’oeil. Nous sommes riches mais cela ne se voit pas. D'ailleurs l'homme le plus riche de Suisse a été jusqu'à l'année passée lngvar Kamprad, Monsieur Ikea, qui, paraît-il conduisait une vieille Volvo et passait totalement inaperçu. Il est retourné depuis en Suède. 

Il y a aussi des pauvres et cela ne se voit pas non plus. Je ne parle pas des mendiants roumains qui vont et viennent et que je n'ai pas encore vus dans ma ville. Non, je veux parler de ces détenteurs de passeports rouges à croix blanche qui peinent à boucler le mois. Et plus particulièrement des "petits vieux" qui n'ont que leur retraite pour vivre.


On va leur enlever 15 francs de leur argent de poche, les temps sont durs, ma p'tite dame.  Ici, cela se passe ainsi : quand on n'est pas fortuné(e) et quand on n'est plus capable de vivre seul(e), l'état (= les autorités cantonales) touche l'argent de notre retraite et les protestations de notre caisse maladie; en contrepartie, il s'occupe de nous, prend en charge les frais occasionnés par notre séjour en maison de retraite et nous offre même un peu d'argent de poche si l'on est vraiment démuni(e).

Puisque nous n'avons plus le moindre sou, cet argent de poche nous permet de nous offrir des petits extras, comme le coiffeur ou la pédicure et refiler un "petit sou" à nos petits-enfants. Rien à voir avec du luxe. Jusqu'à présent, la somme attribuée aux pensionnaires des homes au bénéfice des prestations complémentaires s'élevait à 275 francs, elle va donc passer à 260 francs. Le chef de l'économie et de l'action sociale défend le budget 2015 du gouvernement cantonal, il précise que ce n'est pas de gaité de cœur qu'il a fallu prendre de telles mesures. Il espère que nos aînés comprendront que les temps sont durs.

Moi, je voudrais leur dire de ne pas comprendre, de se mobiliser, que toutes les cannes et les déambulateurs se retrouvent pour manifester contre cette décision ridicule qui va certes permettre d'économiser 280 000 francs, mais sur un budget 2015 qui se chiffre en millions de francs, n'est-ce pas une très petite goutte d'eau ? Le miracle suisse existe aussi grâce eux, nos aînés.

Moi, je demanderais aussi au gouvernement combien lui coûtent des petites escapades pour faire venir des entreprises étrangères s'installer en terres neuchâteloises, comme ils l'ont fait en 2013 en se rendant en Chine et pour quels résultats ?