mercredi 5 novembre 2014

Formation : la force du système dual


Dans beaucoup de pays l'université est perçue comme la seule voie d'accès au marché du travail. On pense que l'apprentissage se limite aux professions manuelles, comme électricien ou charpentier, alors que les jeunes peuvent aussi se former de cette façon au métier d'informaticien ou d'ingénieur.

Dans certains pays, comme au Royaume-Uni, il n'en a pas toujours été ainsi. Il y avait une tradition de formation duale jusque dans les années 1980, mais le gouvernement de Margaret Thatcher l'a largement démantelé, estimant qu'un Etat libéral n'avait pas à prendre en charge la formation des jeunes. Cette évolution a été encore accentuée par la stratégie du New Labour, arrivé au pouvoir en 1997, d'amener 50% des adolescents britanniques à l'université. Par comparaison, en Suisse, près de 14% de la population de référence a obtenu un diplôme d’une HEU (haute école universitaire). Les taux de diplôme HEU varient considérablement d’un canton à l’autre. Le canton de Genève a le taux de diplôme le plus élevé avec 18,7%. En revanche, le canton d'Obwald affiche le taux le plus bas, avec 6,4% de diplômés HEU.
(http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/15/06/dos/blank/05/04.html)
En Suisse, on peut être à la tête de grandes entreprises connues dans le monde entier en ayant acquis une formation professionnelle. Cette formation professionnelle qui permet à la Suisse de disposer d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et innovante porte le nom pas très sexy de duale.

Deux jeunes sur trois la choisissent. Un succès qui, selon le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), est dû aux nombreux débouchés professionnels que le système de formation duale suisse offre et à la formation complète (théorique et pratique) qu’elle assure. En effet, les élèves n’acquièrent pas uniquement des capacités et des connaissances théoriques mais apprennent immédiatement à assumer des responsabilités : dans l’entreprise ils assimilent les bases pratiques, participent au processus de production de l’entreprise, découvrent la vie quotidienne d’une entreprise et reçoivent un salaire. Ils apprennent ainsi rapidement les ficelles du monde du travail.

C'est un point de départ; à chacun la possibilité de modeler son chemin. Après celle-ci, il est possible de suivre une formation professionnelle supérieure permettant l’acquisition de compétences professionnelles spécifiques et préparant à des postes de direction. La grande perméabilité du système formatif suisse permet d’approfondir ses connaissances de base, d’apprendre de nouvelles connaissances techniques, de changer d’orientation professionnelle, d’accéder à l’université ou à une école supérieure spécialisée grâce à des formations "passerelles".  Personne ne dit que c'est facile, mais c'est possible.

Le modèle d'apprentissage suisse devient exportable. Un projet-pilote, lancé en 2008, a permis d'introduire le système de formation duale en Inde, d'abord auprès de quelques entreprises de l'industrie des machines. Le but était de faire tache d'huile. Le gouvernement indien s'est engagé à former 526 millions d'apprentis d'ici à 2020.

Confrontés à un fort chômage des jeunes, d'autres pays sont intéressés par le modèle.  Ces dernières années, des délégations en provenance de Chine, d'Indonésie, d'Inde ou d'Afrique sont venues en Suisse . Genève a également mis sur pied un projet de promotion du modèle dual au Cameroun. En Afrique du Sud, la Suisse a développé des formations duales de deux ou quatre ans dans les professions techniques (électricien, soudeur, tourneur). En ce qui concerne la Chine, je demande à voir. En effet, pour ceux qui peuvent offrir un vrai métier à leur chère tête noire, il n'y a que l'université qui compte, on est prêt à tous les sacrifices pour un diplôme académique. Peut-être que le gouvernement de Beijing pourra utiliser sa force de persuasion légendaire...

Ce n'est donc pas les pays étrangers qu'il faut convaincre, mais plutôt les multinationales installées en Suisse. " Une enquête menée par la Neue Luzerner Zeitung en Suisse alémanique révèle que les multinationales ne forment pas assez d'apprentis, citant par exemple Glencore qui compte 760 employés et pas un seul apprenti. Dans les faits, la plupart des multinationales ne connaissent pas bien le système de formation duale suisse et donc ne forment pas suffisamment d'apprentis. Le constat est toutefois plus nuancé en Suisse romande. Comment inciter les multinationales à favoriser les apprentissages?" (http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/forum/6252832-forum-du-03-11-2014.html) Et encore, il faut savoir s'il s'agit de multinationales suisses ou de groupes étrangers, les premières étant habituées au système. Pour les autres, c'est plus compliqué : il faut comprendre le système, puis mettre en place un moyen de coacher les apprentis selon un protocole strict. En plus, les apprentis doivent savoir l'anglais pour un apprentissage bilingue. Du coup, comme c'est compliqué, on pourrait préférer des stagiaires qui auraient reçu leur formation de base par d'autres.

D'habitude, je n'ai rien contre la mondialisation, mais là elle m'irrite. C'est vrai, ça, on ne peut pas que récolter, il faut aussi semer...

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