En août 2014, quelques semaines après mon retour, il y a eu une "affaire" qui a fait la une de notre quotidien local. Je me suis dit que j'allais attendre des développements pour en parler, les infos que nous avions étaient brumeuses, quoique inquiétantes. Et puis plus rien, nada ! Silence... Pourtant, "affaire" il y a. Reprenons la chronologie de cette histoire.
Rue du Doubs 51. Grosse frayeur en décembre 2011 pour les habitants : le nouveau propriétaire a découvert dans un
ancien atelier de galvanoplastie, des bacs de produits chimiques qui
gisaient là depuis plus de 25 ans. Le service d’incendie et de secours est appelé pour sécuriser
les presque 8 tonnes de produits potentiellement dangereux, les taux de mercure sont 4200 fois au-dessus des normes. Une première phase de recensement et de sécurisation des produits et
des locaux permet déjà une diminution des risques
environnementaux et sanitaires.
L’évacuation définitive des produits est effectuée une semaine plus tard par une entreprise spécialisée.Et alors ? Rien. L'affaire du cimetière toxique ne s'est pas terminée avec l'évacuation des déchets. La
contamination du bâtiment est élevée et les travaux de dépollution seront lourds et coûteux. Peut-on passer sous silence des taux de mercure et de chrome 6 respectivement 4200 et 1800 fois supérieurs aux normes légales ? Le temps de séjour maximum dans l'atelier est de 15 minutes sans masque intégral, soit avec des cartouches spéciales contre les émanations de mercure. Deux ans après l'évacuation des quelque 10 tonnes de toxiques accumulées sans autorisation durant 50 ans par l'ancien propriétaire décédé en 2011 !
Et alors ? Rien. Ou plutôt si. Le dernier locataire quitte le bâtiment en juillet 2013. Suite à l'intervention de la Caisse nationale suisse d'assurance accident qui a ordonné l'arrêt du chantier, le bâtiment a été placé sous séquestre. Il est désormais interdit d'y pénétrer, ainsi que dans le jardin, également pollué. " Comme le sous-sol, les égouts... Il n'y a jamais eu aucun contrôle." C'est bien là qu'il faut déterminer les responsabilités, qui passera à la caisse et assumera les centaines de milliers de francs que coûtera la dépollution de l'immeuble, voire sa démolition, sans compter les multiples analyses qui ont dû être effectuées. Une bataille juridique.
Et alors ? Rien. Enfin, presque rien. Les anciens locataires se rassemblent au sein de l'association Pro Doubs 51, pour gagner en visibilité et avertir les citoyens
chaux-de-fonniers. Les analyses faites dans l'immeuble voisin, rue du Doubs
53, montrent que les normes en matière de toxiques y sont également
dépassées. Décontaminer un tel site, pollué au cobalt, nickel, plomb, zinc, amiante, mercure etc, est-ce possible? " Ça a un coût. L'idée de départ était de démolir l'intérieur du bâtiment sur les deux premiers étages. Mais les analyses montrent que les taux sont aussi importants au dernier étage. La dalle de béton est imprégnée de mercure sur trois centimètres d'épaisseur... Il faudrait une décontamination très lourde, raser la bâtisse et retirer la terre du sous-sol sur au moins trois mètres."
Et alors ? " Pour en avoir définitivement le cœur net, pour permettre de répondre avec certitude aux interrogations légitimes des uns et des autres, au surplus pour en savoir plus sur les bâtiments de cette époque (début du 20e siècle), nous sommes sur le point de mandater une étude externe qui comparera les taux ''étalons'' mesurés sur [l'immeuble voisin] à des mesures effectuées sur une quinzaine d'autres bâtiments de cette époque. [...] Le contrat sera signé ces tout prochains jours", a indiqué le conseiller communal, soucieux de rassurer la population et éviter les polémiques.
Et alors ? Le galvanoplaste décédé n'a pas travaillé seul et dans l'ombre comme le prétendaient en 2011 les autorités pour justifier le manque de contrôle dans l'entreprise. Une des collaboratrices qui a été employée par l'atelier durant 12 ans, de 1974 à 1986, n'était autre que l'ingénieur chimiste, épouse du chimiste communal dès 1977, puis à la tête du Service de l'hygiène et de l'environnement de la Ville de 1988 à 2005. Les époux sont retraités depuis. Les autorités rappellent "[...] que s'il y avait bien une délégation de compétence au Service d'hygiène et de l'environnement de la ville, celle-ci était partielle."
Et alors ? Le Service d'urbanisme fait le point. " S'il n'y avait qu'une chose à retenir, c'est que l'immeuble [voisin] n'est pas pollué. Nous avons eu de vives inquiétudes, mais c'est maintenant avéré de manière scientifique." Ouf... " Cela n'enlève rien à la très profonde pollution de Doubs 51 ". Que faire d'un tel immeuble? Le Service d'urbanisme considère qu'il n'y a pas de danger sanitaire qui nécessite une démolition immédiate. Des soumissions sont même en cours pour assainir les deux étages, rez-de-chaussée et sous-sol, de l'ancien atelier. Qui payera l'assainissement ? Le seul responsable est mort, les héritiers ne veulent pas assumer cette situation pourrie et la nouvelle société propriétaire refuse de payer. Des années de procédures.
Et alors ? Des auditions effectuées par la police, il ressort que personne n'était au courant du stockage de cette quantité de produits chimiques. Les contrôles ont été effectués en bonne et due forme, dans le respect de la législation. Selon l'enquêteur, il ne s'agit pas de blâmer des personnes, mais le système, qui est sans nul doute perfectible.
Et alors ? L'avocat de l'actuel propriétaire de l'immeuble a déposé déjà en octobre 2012 une demande d'indemnisation auprès des autorités cantonales et communales. Cette demande a été rejetée.
Et alors ? Les recours des locataires de Doubs 51 ont été jugés irrecevables par le Tribunal fédéral. L'instance a relevé notamment que les recourants " ne précisent pas en quoi consiste individuellement le dommage qu'ils ont chacun subi ".
Fin de l'histoire 04.10.2014
Et alors ? Rien, plus rien. L'immeuble est toujours debout, on passe devant, derrière. Certaines fenêtres sont mal calfeutrées... Mais l'histoire n'a pas trouvé d'issue, apparemment. Elle ne fait plus la une depuis longtemps, pourtant la maison est encore contaminée. Attend-on qu'on oublie l'histoire pour revendre l'immeuble et laisser les toxiques envahir le quartier ? A Hollywood, on en ferait un scénario et on engagerait Julia Roberts...
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